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Défi n°75 "Couvre-chef" proposé par Lénaïg pour les croqueurs de mots.

Publié le par François & Marie

A partir de "couvre chef", on écrira ce qu'on voudra!

Une seule condition, glisser "qui m'aime me suive".

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chapeaux1Moustache soignée, costume trois pièces et chapeau melon, assurément symboles extérieurs de respectabilité, monsieur bombe le torse et accorde son pas à celui de madame qui s'appuie à son bras.

Chapeau de velours à aigrette, manteau de vigogne et bottines lacées, madame trottine à petits pas. Madame "a des espérances", madame est dans une situation intéressante.

Oh surprise, quelques mois plus tard des jumeaux leur sont nés et de plus "nés coiffés"! Ces chanceux qui d'instinct ont su protéger leur chef, ne pouvaient porter pour prénoms que ceux de couvre-chefs. Capellus et Capelina on les baptisa.

Ce qui les contraignit en contrepartie, à se protéger l'occiput tout au long de leur vie.

Un béguin tricoté débuta la série. L'un bleu-bébé, l'autre bébé-rosé, pour les bien différencier.

Cagoule et passe-montagne leur furent infligés pour leur hivernale première année. Affutiaux indispensables pour prouver qu'à un an, de franchir les montagnes on est enfin capable.

Puis vint le temps des chamailleries où "Renard roux rusé" emplumé d'une coiffe de Sioux scalpa, de son besson en hennin la poupée préférée. Cette mère outragée, s'empressa d'ameuter à cor et à cris sa parenté, dévoilant pour se venger que Capellus passait son temps d'écolier en versus, nez au mur d'un bonnet d'âne coiffé.

chapeaux1Un autre jour, apeurée, Capelina une mantille en bouclier, résista à son alter ego encanaillé sous le  foulard d'un pirate, qui tentait de lui faire gober des billes d'agate.

Plus tard, attifé en toréador à montéra, Capellus tenta de transpercer de son épée de bois le bois de leur petit cheval qui resta stoïquement de bois mais causa chez sa soeur un très très grand émoi.

Faire la dînette les réconcilia. Des toques trop grandes seuls leurs yeux dépassaient, à peine de quoi vérifier que l'autre, le filou, n'essayait pas de vous faire prendre des crottes de bique pour d'innocents cachous. 

Les pâtés de sable en bord de mer les réunifia en bobs flasques et flashy,  repérables de loin par les géniteurs, ou en chapeau de paille à l'élastique jamais de bonne taille, mollasson ou semi-étrangleur.

Le temps des gamineries fini, ils s'essayèrent à diverses montures.

Le cheval les intéressa un temps; leurs bombes équestres malgré leurs attaches trois points réglementaires, les virent demeurer bien piètres cavaliers. 

Ils se lassèrent de l'odeur du crottin et se motorisèrent, trouvant surtout en leurs casques intégraux l'objet de concours de moustiques écrasés, les plus gros... 

Il n'est qu'au toilettage qu'ils n'étaient pas concordants, elle encharlottait son brushing, alors que lui intégralement s'irriguait. 

Ils traversèrent l'épisode obligé mais ô combien inconfortable du métaphysique - Qui suis-je? Où vais-je? (qui souvent précède celui plus prosaïque, du - Bon sang, où sont passées mes clés?) 

Il tergiversa un moment entre le galure de doulos, le gibus ou la barrette écclésiastique (qu'en ambitieux il envisageait comme tremplin vers la mître d'évêque et sans aucun doute jusqu'à la tiare papale suprême). Il balançait en balançant des cailloux dans la mare, en ricochets ratés... 

chapeaux2Quant à elle, longuement elle hésita - La cornette de nonne me rendrait bien mignonne mais quelle besogne quand on la lave puis l'amidonne...le bibi à voilette coquine perché sur le feu d'une perruque léonine me ferait-il ou non économiser la brillantine?... 

Finalement, l'une inclina sur son oreille gauche le bleu marine du béret d'un pensionnat de jeunes filles de bonnes familles. L'autre tâta pour un temps de la marine. Il n'autorisait l'approche de son bachi à houpette rouge - porte-bonheur à une nuées de gloussantes donzelles, qu'après avoir prévenu - qui m'aime me suive!  

Il y eut l'époque sans le sou des faluches estudiantines à fanfreluches et des bicornes; puis la saison des champs de courses où sous canotiers et capelines, on perd ses sous. Et enfin l'étape des panamas ruineux et capuchons d'organza vaporeux en appeaux de partis fortunés.

Ils voyagèrent. Cette mode était  dans l'air. Collectionnèrent des fez, des fichus, des képis et aussi des sombreros, des borsalinos, des chèches et même des chapskas qui moisirent dans un grenier sous les toits... 

Et un jour...

Sous un voile blanc elle dit oui à un monsieur gai comme un bonnet de nuit.

Lui, donna son assentiment à une femme en turban blanc; ils ont eu dix enfants.

Elle, à présent c'en est fait, de veuve a coiffé l'attifet.

Lui, lassé des couvre-chefs, d'une calvitie cabocharde doit supporter les effets...en hiver son crâne est glacé et en été, pelé...

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Ainsi passa la vie de ces deux "nés coiffés". Qu'en aurait-il été s'ils ne l'eussent été?... 

 


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Défi n°74 "Objets inanimés avez-vous donc une âme?" proposé par Enriqueta pour les croqueurs de mots.

Publié le par François & Marie

"Objets inanimés avez-vous donc une âme"?

Choisissez un objet et racontez-nous sa vie humanisée et ses relations avec vous.

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Elle avait le trac. 

Sa main tenait ma poignée bien serrée.

Je la chaperonnais, tout fier d'être le cartable de sa première rentrée.

Elle était encore bien petite et j'étais tout petit,

teinté de rouge brique et mon cuir simili  fait de carton bouilli.

Dans mon giron brandillaient un chiffon, une ardoise et son crayon,

minimale provision pour apprentie-écrivaillon.

cartables

Vint ensuite pour elle le temps de l'éducation -primaire -pour- tous- obligatoire;

là encore, de l'accompagner me suis fait un devoir.

Me rendant guère plus rond, elle a nourri mon ventre,

d'un cahier du jour vénéré, protégé d'un épais papier encre

à l'étiquette lignée, au grand buvard rosé, et d'un cahier de brouillon

au cache protecteur, dont le recto vantait une "garantie pure chicorée"

qui me faisait saliver.

Je n'ai pas protesté lorsqu'elle m'a un peu endolori les flancs

du bois d'un rigide plumier, riche d'une gomme, d'un crayon

et bizarrement, d'un Sergent Major en plumes... 

J'ai accepté sans broncher le vaste mouchoir en boule, à la fois soulageur de rhume

et secoureur de genoux meurtris et aussi les images en double de "La vache qui rit".

Lorsque d'une éducation secondaire la chance on lui donna,

elle me jugea peu adapté à ce nouvel état

et me préféra un immense portefeuille en véritable boa,

cadeau d'une parentèle exilée dans les îles.

Bien étonnée fut ma peau de reptile

de se voir trimballée chaque jour, six kilomètres-aller

et au retour autant, par soleil, gel, pluie ou grand vent 

sur le porte-bagages de ma collégienne à vélo.

Le plus saugrenu et le plus rigolo,

c'est qu'elle m'appela "vache" en argot de potache!

Joufflu de plus en plus, converti en serpent ruminant,

dans mes flancs j'enserrais de nouveaux enseignements;

sur elle me calquant, j'abhorrais ce qu'elle détestait,

j'appréciais ce qu'elle affectionnait. 

Ainsi pour l'histoire, la géo et l'Allemand

je me montrais des plus tolérant. 

Pour le dessin, les sciences nat et surtout les rédac

j'élargissais mes soufflets tout grands,

qui devenaient mâchoires tels étaux d'établis

dès lors que paraissaient les maths et la géométrie.

Au lycée, en pension mon adolescente j'ai suivi.

Elle m'a gavé de physique, de chimie,

instruit des rudiments du droit, de la sténographie.  

Avec dame philosophie m'a prié de faire amie-ami.

M'a dévoilé le curieux alphabet de la dactylographie,

m'a fait entrer en sympathie avec la biologie.

Délaissant "guten morgen", prit le pli de me saluer "good morning". 

Complice je me liguais contre ses perpétuels ennemis,

écrasant pour lui plaire leurs interros honnies dans mes sombres replis.

Pour me remercier elle me bombardait de papiers or chiffonnés

au subtil parfum chocolaté, dont elle et ses amies

se régalaient dès qu'un menu plaisir les mettait en joie

ou que d'une poussée de mélancolie elles devenaient les proies.

Ensuite, en cartable numéro trois, je me suis retrouvé 

sac vintage en daim couleur chocolatée, silencieusement à ses pieds bien calé,

tandis que sur les feuilles anonymées des concours elle planchait.

J'étais là pour l'encourager lorsqu'elle en fut au stade

de ses débuts sur estrade.

Comme elle l'exigeait pendant quatre décennies,

j'ai protégé les écrits de milliers de copies.

Deux ou trois fois j'ai changé de tournure,

me prénommant tour à tour sacoche, serviette ou bien encore besace.

Fidèle, tel un servant de messe,

je l'ai suivie aussi bien par jours sombres que par temps d'allégresse. 

Il y a quelques années,

considérant sans doute son rôle comme accompli, son mandat elle n'a pas renouvelé.

Me remerciant d'un sourire de connivence, dans un coin du bureau elle m'a déposé.

Dorénavant elle ne vient m'éveiller 

que pour confier à mon giron, en précieux coffre fort

les messages que lui envoient encore,

pour certains depuis plus de quarante années,

celles et ceux qui, pendant deux ou trois ans, ont avec elle marché

et qu'elle a écoutés, poussés, stimulés, réconfortés

 et encouragés à se hisser en haut du marchepied,

leur souhaitant de vivre leur vie, alors qu'elle au quai demeurait.

Pour eux elle avait le trac, mais le dissimulait

en sa main tenant ma poignée bien serrée...

 

 

 

 

 

 

 

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